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Soumis à l'essai

Alors que je ne m'y attendais pas, je connais depuis peu la chance d'occuper une place un peu différente que celle connue jusqu'alors auprès de Maîtresse Blanche. L'occasion pour moi de mettre cette relation en perspective, parce que mes rencontres BDSM n'ont jamais été que cela, mais bien plus.


• Journée charnière

Trois ans après ma première rencontre avec elle, elle m’a proposé d’entrer sous ses ordres, la servir. Une officialisation d’une relation qui, selon ses propres termes, ne faisait de moi jusqu’alors qu’un client qu’elle appréciait beaucoup.


Joie et appréhension se sont mêlées à l’approche de cette journée solennelle, celle de notre entrevue, pour discuter et convenir du cadre de tout cela. Tout ce dont je rêvais depuis tout ce temps, depuis trois ans, avec elle. Je l’écris, je ne m’en cache pas, elle le sait déjà. C'était d'ailleurs l'objet d'une petite lettre que je lui avait remise, à l'été 2020. J'avais l'impression de l'écrire à une femme qui me connaissait déjà, qui savait déjà. Je ne faisais que matérialiser une pudique évidence.


Elle m’aura exposé ce qu’elle pouvait envisager avec moi. En réponse, je n'ai que très peu parlé, j'étais un peu perturbé, je ne voyais plus clair. J'étais sur un petit nuage brouillon. Je me sens désiré, accepté. Mieux encore : je me sens reconnu. Trouver écho en une personne que l’on estime est un luxe auquel j’espère ne jamais m’habituer.


Il s’agit là d’une femme rare - du moins c’est ce que je pense. Exister dans son univers me flatte. Être là pour elle me fait me sentir spécial. Au-delà de cela, la servir me paraît si naturel. Elle m’impressionne, et le temps ne parvient visiblement pas à me rendre moins fébrile à son contact. Si j'avais la 5G, elle brouillerait mon signal.


J'ai le sentiment qu'elle ne pourrait jamais assez me marquer de son empreinte. Je me sens très en demande d'implication et de mouvement dans cette toute jeune relation, et en même temps la maîtrise du rythme ne me revient pas. Ce dictat lui revient.

 

Je me souviendrai sans doute longtemps de cet avant, de ces quelques jours qui auront précédé le vendredi 15 juillet. Je peinais à croire qu'elle me trouvait suffisamment de qualités pour s'attarder ainsi sur mon cas. Je m'aime d'un tendre fatalisme, mais j'ai aussi pleine confiance dans le fait que je suis un peu atypique, parfois même un peu trop. C'est pourquoi je ne manquerai sans doute jamais d'être surpris devant le constat d'un intérêt réciproque dans ma vie. Rencontrée en 2019, je crois que Maîtresse Blanche m'aura accepté plus tôt que je ne l'ai fait moi-même. Une visionnaire, peut-être.


Quelques jours plus tard, c'est par mail, un soir, que l'enchantement continua. Quel plaisir, quel honneur, d'ouvrir son courriel et découvrir quelques paragraphes bien dodus qui m'étaient destinés ! Un sourire mécanique était apparu sur mon visage et je dus me lever faire quelques dizaines de pas au centre de ma pièce pour tenter d'évacuer l'émotion que je peinais à gérer. Elle m'exposait ses conditions, pour cette relation.


Pour mon petit moi, rien ne peut jamais être trop cadré, formalisé, dans le cadre d'une relation relevant d'un tel contexte. Je raffole des cases, des règles, des officialisations et des matérialisations ! Cela m'apporte beaucoup. J'étais aux anges de savoir qu'elle avait pu prendre ces quelques minutes pour réfléchir à ces conditions et me les exposer. Je crois que rien ne me flatte plus que d'être sujet de réflexion pour elle, de savoir qu'elle a planifié, créé un modèle. De savoir que j'ai pris vie chez elle, au moins un court instant.


Ces conditions faisaient, quelque part, office de contrat, je crois. Quel honneur, quelle soirée pour moi ! J'ai relu son mail plusieurs fois, assez pour ne plus m'embêter à compter combien, enroulé dans mes draps, avant de m'endormir fier et ému. Fier, et très ému.


Le lendemain, j'y répondis sobrement, en quelques mots.

 

Maîtresse Blanche, j'avais le sentiment de tant lui devoir, déjà, avant mon entrée dans cette phase de « soumis à l’essai » - qualificatif qu’elle me concèdera finalement en réponse à mon besoin apparent d’un cadre défini. Elle est si gentille avec moi, je crois l'avoir déjà écrit.


Au-delà de ses qualités humaines, et d'une alchimie tout sauf relative lorsqu'elle m'offre ce bonheur addictif de jouer avec moi - des instants dont je garde chaque seconde en mémoire, je pense que la période très particulière dans laquelle je l'ai rencontrée a aussi participé à ma dévotion à son égard depuis lors.



• Trois ans durant, constante passive

Je n’en fais plus un secret, je l’ai déjà abordé ici, j’ai fait une bonne dépression – je n’étais pas le premier et ne serai pas le dernier à qui cela arrive. Entamée à l’été 2018, elle aura duré deux à trois ans. Disons trois. Cela aura été un long processus irrégulier.


J’avais rencontré Maîtresse Blanche et Mistress Elis Euryale à l'été 2019, une dizaine de semaines seulement après avoir manqué de passer sous un bus bien malgré moi, une période difficile. Deux mois avant cela encore, je gisais sur le sol de mon chez moi, dans un état aussi inquiétant que caricatural. Je me sentais plus démuni que jamais alors ; je voulais être sauvé, secouru, et je n’avais pas encore compris que c’était à moi de le faire, ni encore trouvé la volonté même d’essayer. J'étais faible, désarmé et désemparé.


Je ne me connais que trop bien, et je sais que d’avoir rencontré Maîtresse Blanche dans cette période de grande fragilité pour moi a joué un rôle dans l’attachement d’alors - et donc d’aujourd’hui, à son égard. Cette soirée avec ces deux femmes, trois ans plus tard, garde encore en moi une résonance bien supérieure à ce qu’elle devrait sans doute être. Trou béant, j’étais complètement à fleur de peau à cette période-là, pour le meilleur et pour le pire. Tout, toutes et tous me transperçaient. Elles, bienveillantes et sensées, l'ont fait à bon escient. J'ai été touché, j'ai rêvé, avec force et passion. Pendant quelques heures, j'ai retrouvé la vie en moi, j'ai rallumé le feu, et ce n'est pas un état que l'on peut atteindre dans le cadre d'une thérapie classique. J’en avais tant besoin à l’époque que cela a laissé en moi une trace forte que je peine encore à comprendre. Il s'agit d'un ressenti que je ne pourrais comparer à aucun autre.


Pendant les quelques heures de cette soirée-là, j'ai à la fois disparu et existé au-delà de mes limites, je ne faisais que ressentir – à peine réfléchir. J’avais été sauvé, le temps d’un irrationnel instant.


Le reste de ma nuit, irrationnelle, ne l’aura pas moins été. J’ai écrit des heures durant ce qui aura été la quasi-intégralité de mon récit d’expérience – toujours dans l’émotion. J'avais même ri et pleuré, je l'admets sans en être fier. Je me sens d’ailleurs incapable de relire ce récit aujourd’hui, moi-même gêné par une passion très peu mesurée qui en ressort. C'est bien la moitié de mes articles ici que je ne pourrais relire, comme si à froid, mes propres émotions m'insultaient. Dès qu'il est question de moi, j'ai trop souvent tendance à me fondre en un vieux juge aigri.


Quoiqu'il en soit, cette intense nuit de rédaction dans la foulée de cette rencontre n'était que combustion volontaire ; je ne voulais pas m’endormir. Je redoutais tant le réveil, je ne voulais jamais retrouver ma lucidité. Au réveil, je ne serais plus sauvé, et la chute sera difficile.


Cette disponibilité émotionnelle et ces dons de soi réciproques pouvant prendre place dans ces moments très particuliers d’échanges BDSM cadrés accouchent d’évasions, projections et transferts en tout genre. Un terrain de jeu qui, je trouve, n’a que peu d’équivalents.


La vie m'était tout de suite plus simple lorsque je n'avais plus à la conduire.


Ne m'en déplaise, je l'écris alors en toute transparence : du fait d'un contexte si extrême pour moi à l'époque, ces trois ou quatre heures seulement dans cette soirée au contact de ce duo plutôt particulier auront eu un effet durable en moi. Une balise, un marqueur affectif concret dans une année de profonde noyade. Désormais fort d'un certain recul, je peux même confier que j'ai pu ensuite construire sur ces quelques heures-là. Je trouve aujourd'hui le courage d'écrire qu'elles m'auront beaucoup apporté, par le seul fait de cette soirée, à un niveau qui dépasse grandement mon univers érotique.


Je peux bien entendu m'attribuer du mérite également - je suis seul responsable de mon parcours : le mérite d'avoir bien choisi à qui donner ces quelques centaines d'euros ; celui d'avoir su saisir ce qui m'aura été donné et m'en inspirer.


Tout cela est, je l'estime, un pan trop méconnu ou sous-estimé du grand public dans ces interactions si particulières que peuvent offrir les dominatrices professionnelles, où distance et respect voire idéalisation se mêlent à une intensité rare sur un fond de mise à nu.

 

Bien évidemment, Maîtresse Blanche n’aura eu aucun rôle actif dans ma remise sur pied les années suivant cet évènement devenu pour moi mémorable – et c’est heureux, ce combat ne regardait personne d’autre que moi. Je suis même plutôt fier de pouvoir supposer qu'elle ne se sera doutée de rien. Il faut dire, elle ne m'aura que rarement vu par la suite.


Mais en parallèle de toutes mes étapes personnelles et d'un travail de fond, elle aura fait figure de constante dans mon univers - une parmi d'autres, comme inévitable rappel d'un feu que j'étais encore capable de trouver en moi, malgré tout. Une invariable pour qui en plus je m’appliquais toujours à me montrer sous mon meilleur jour, ne serait-ce que par déférence à son égard.


La conclusion de cette partie qui, je l’espère, n’aura mis aucun lecteur mal à l’aise du fait de son ton bien trop vrai, serait alors que cette relation avec Maîtresse Blanche fait véritablement sens en moi, et trouve un ancrage qui va au-delà d’un rapport domination-soumission dans ma petite vie. Sans même le vouloir ni le savoir, elle aura été là pendant, et maintenant après, une période sans doute charnière dans ma vie. Elle m'aura même donné de quoi beaucoup écrire, de quoi beaucoup m'ouvrir en mots, ici-même.


C’est bien l’après qui m’intéresse désormais, à savoir le présent.



• Le présent "avec" Maîtresse Blanche

Comme je lui ai écrit encore sous le coup de l’émotion, après un bel instant de jeu avec elle : dès l’entrée dans cette relation cadrée avec elle, j’ai découvert des sentiments, des sensations, qui étaient jusqu'alors inconnus pour moi. Ce n'est pas surprenant, et je ne suis pas surpris. Je ne me présenterai jamais comme étant un jeune homme ayant une importante expérience dans les relations humaines. J'en suis encore au stade où je peux découvrir.


Pendant trois semaines, il me suffisait de repenser à son mail de conditions pour me retrouver automatiquement en érection. Confession peu poétique j'en conviens, mais éloquente, je crois.


Si je devais remonter à la source de ces sentiments nouveaux, je dirais que sans doute est-ce simplement son affection qui me touche tant – le fait de savoir qu’elle m’apprécie assez pour me faire une petite place chez elle.


Poupée de porcelaine, parce que si fragile, placée dans sa vitrine. Parfois même attachée, si vraiment elle se montrerait sage. Pour tout dire, je ne saurais quoi demander de plus. Peut-être suis-je en réalité bien moins complexe que je ne le pense, et ce serait un soulagement.



• Regard différent sur une relation différente


Autre changement déjà remarqué : son regard est plus difficile encore pour moi à recevoir.

Soutenir le regard de celle faisant de moi sa chose en plein feu de l'action a toujours été un sujet délicat, chargé de tant d'enjeux. Je ne sais quoi en faire. Quand je m'adonne à cette relation d'iris, je suis envahi de sentiments forts et ambivalents. Je m'enlise.


Illustration générée par IA. Mots-clés : "submissive passion" (www.hotpot.ai)

Cela décuple en moi cette sensation d'appartenir, à tel point qu'il m'est bien difficile de me confronter au regard de l'autre, yeux dans les yeux, plus de deux secondes d'affilée. Je me sens submergé, enseveli.


Dans le même temps, je ne peux cacher un vrai plaisir coupable, voire masochiste - à travers l'aspect chute libre que j'éprouve alors, à venir me perdre dans les yeux de ma maîtresse d'instant. Je les fuis autant que je les jauge, que je me jauge. A la seule écriture de ces lignes, mon cœur s'emballe et j'éprouve une sensation de vide dans ma poitrine et au niveau de mon bassin ; je perds pieds, presque essoufflé. Ma sensibilité me perdra, si ce n'est pas déjà fait.


J'éprouve ces mêmes manifestations physiques lorsque, contrôlé, pris, géré, contrôlé, le bleu de mes yeux trouve reflet dans la couleur d'en face. Il y a tant d'informations instinctives que je reçois venant du regard de l'autre - je n'arrive pas à le gérer. Le pire étant, je crois, cet effet miroir s'imposant à moi, comme si je me voyais à la troisième personne dans sa pupille. Cette vision m'écrase, m'étouffe. Je me sens alors dévoré, et dans le même temps, tellement plus soumis, plus possédé, qu'à l'instant d'avant.


Alors mon regard fuit, et y revient parfois. Dans ces instants, je ne sais quoi faire, ni ce que je veux. Parfois, je réécris la scène, et je m'imagine avoir eu le cœur assez fou pour tenir plus longtemps, jusqu'à atteindre un stade où la panique laisse place à la sérénité. Cette idée me ferait presque peur, plus que tout châtiment physique, moi qui ne suis pourtant pas masochiste physiquement parlant - et physiquement seulement.



• Ses gestes et moi


De la même manière que son regard dominant le mien trouve prise plus profondément en moi depuis qu'elle m'a gratifié d'un cadre, j'ai cette impression que la portée de chaque geste, attention, s'en est vue sensiblement accrue.


Plus de dix jours après sa commission, un geste en particulier vit encore en moi : alors à genoux devant elle, assise, sa main droite est venue tapoter ma joue gauche. Trois ou quatre petits contacts très rapprochés, fermes et délicats, tendres, et à la fois presque négligés.


Là encore, je me retrouve avec le souffle court sous mes lignes. Je peine à décrire ce que j'ai ressenti précisément à ce moment-là. C'était en tout cas un cocktail qui me vient me chercher loin, très loin, en moi. Cela m'a saisi au cœur et dans la tête, en plus du simple aspect de contact charnel avec elle, un privilège rare qui ne manque jamais de marquer mon esprit plus que mon cuir.


Humilié et aimé. Voilà sans doute ce que j'ai ressenti.


Je crois que la tendresse est un châtiment dont je ne remettrai jamais vraiment.


 

J'aime ce qu'elle fait de moi, j'aime ce qu'elle est pour moi. Soumis à l’essai, je ne sais où cela me mènera, mais resterai reconnaissant d’avoir emprunté tel chemin.

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