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X-Men 2 : Le profond fantasme d'être sauvé malgré moi

J'avais 10 ou 11 ans lorsque j'ai visionné le film X-Men 2 pour la première fois. Une scène pourtant anodine a profondément marqué l'intime de l'enfant que j'étais, et continue d'émoustiller l'homme que je suis devenu.


Sans même être en capacité de le comprendre à l'époque, il se trouve que j'étais en demande d'une forme de domination maternante, ou en tout cas de protection féminine contraignante. L'enfant que j'étais rêvait d'être "sauvé" par une femme qui ne m'en laisserait pas le choix. Un fantasme toujours existant dans ma construction d'homme adulte, qu'il faut savoir mettre à distance et comprendre, pour mon propre épanouissement.

Tornade, protégeant Diablo

I - La scène en question : capturé, protégé et soigné par deux femmes


• Contexte du film et de la scène

Dans une réalité contemporaine alternative, il existe des mutants, violemment discriminés par la société, et parfois chassés par le gouvernement. L'écrasante majorité d'entre eux vivent reclus et dans la honte d'eux-mêmes.

Jean Grey et Tornade, mes deux sauveuses fantasmées

Certaines mutations sont visibles (c'est le cas de Diablo, à la peau bleue), d'autres non (comme Jean Grey et Tornade). Ces dernières font partie d'une organisation privée richissime, par et pour les mutants. L'une des missions de cette organisation est de trouver et recueillir les mutants les plus en danger.


Jean Grey et Tornade, deux puissantes mutantes et cadres de l'organisation, ont été envoyées pour trouver et ramener Diablo, un mutant allemand en grande souffrance, gagnant sa vie en travaillant pour des cirques. Elles vont le ramener, qu'il le veuille ou non...


• La phase de capture : contraint pour son propre bien

L'extrait vidéo ci-dessus correspond à ce que j'appelle la phase de capture. Cette scène me chamboulait profondément, lorsque j'étais enfant. Aujourd'hui, elle est susceptible de me mettre en érection, tant mon érotisme est intellectualisé, pour le meilleur et pour le pire.


Les deux femmes d'un grand pouvoir tentent tout d'abord une approche douce et rassurante : "We're not here to hurt you" - avant de vite perdre patience, et employer la contrainte. Deux faces d'une même pièce qui ne me laissent pas indifférent.


Immobilisé, Diablo se voit même gratifié d'un "He's not going anywhere", soulignant son impuissance la plus totale. Comme si la scène n'était pas déjà suffisamment marquante pour l'enfant de 10 ans que j'étais, en mal de tout, les deux dominantes s'amusent brièvement de la situation, l'interpellant même avec "Are you?", une question à laquelle le captif ne pouvait répondre librement : il était de toute façon coincé.


• La phase de soin et protection

La capture donnant vie à mon fantasme de fusion avec une figure maternelle autoritaire ne serait pas si belle sans la phase concluant cette scène : allongé, Diablo est soigné et délicatement voire tendrement examiné par ses sauveuses.


Elles soignent ses plaies, en tout cas ses plaies physiques. Du bout de ses doigts, l'une d'elle parcours son corps marqué par sa vie, et ses scarifications. Si le mien ne porte aucune cicatrice que je me serais moi-même infligée (mise de côté la question des tatouages), il en compte bel et bien, l'une d'elle étant particulièrement imposante et disgracieuse, comme témoin principal d'un passé et d'une construction difficile.

Plus tard dans le film, Tornade s'intéresse à Diablo, et est attendrie par lui

Autre discret élément ne me laissant pas indifférent : elles parlent de lui en sa présence, évoquant des sujets dont il ignore tout "I'd rather get him back to the Professor" . Une situation marquant son absence de contrôle. Elles savent mieux que lui-même ce qui est bon pour sa personne, et cela leur paraît tellement évident que Jean Grey se contente d'un silence élégant, lorsque Diablo manifeste ses questionnements. Il est pris en charge, qu'il le veuille ou non.


Le qu'il le veuille ou non est central dans cette scène qui m'a tant marqué dans mon enfance. Je rêvais d'être à la place de Diablo. Cet être exclu, perturbé, perdu, à fleur de peau. Mais, ce même être contraint, soigné, considéré et sujet d'une attention réelle - quand bien même ne le voudrait-il pas, trop sauvage et craintif pour se laisser approcher de lui-même.


Les parallèles ressentis entre l'enfant que j'étais et Diablo étaient alors évidents, d'où ce souvenir fort que cette scène m'a laissé, et, peut-être, d'où mon érotisme décalé d'homme adulte que je suis devenu.



II - De l'importance de savoir mettre à distance ce fantasme d'enfant blessé


L'idéalisation et le fantasme d'une figure féminine forte, capable et puissante pour me sauver de moi-même est, je pense, l'émanation évidente de problèmes importants dans mon rapport à la mère - en tout cas dans mon propre cas.

Tornade dit à Diablo quoi faire et ne pas faire, dans une situation dangereuse

Si ce fantasme s'entend, se comprend, et peut même être vécu dans un cadre approprié (où mes besoins affectifs profonds et mon excitation sexuelle se croisent), il est cependant important pour moi de ne jamais oublier que personne ne peut me "sauver" de mes propres démons, sinon moi-même. Je suis capable, je suis fort.



Une mentalité et construction qui, jeune adulte, m'a permis de prendre un virage capital dans ma vie, un virage nécessaire, sans lequel mon mal-être d'époque aurait bien pu finir par m'avoir, de manière définitive.


Dans un cadre intime voire amoureux, mon écueil, ma pente naturelle, est encore de trop chercher cette fusion, cette prise en charge unilatérale. Si j'ai conscience de cet écueil et ai déjà grandement travaillé dessus, pour agir et incarner l'homme adulte capable et responsable que je sais être, je me laisse encore parfois engloutir par ce fantasme profond. Rien de grave, sauf lorsque cela empiète sur l'équilibre et l'énergie d'une relation, et de l'autre personne. Cet écueil, hors du cadre réservé, n'est plus acceptable.


Si le garçon perdu aura toujours besoin qu'elle croie en lui, l'homme adulte doit savoir qu'il lui suffit de croire en lui-même.


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